Achète la vérité, et ne la vend point ; achète la sagesse, l’instruction et la prudence. (Proverbes 23:23)
Je voudrais aujourd’hui, mes frères, vous ouvrir la carrière de la Vérité, vous montrer le chemin qui y conduit et vous animer, par les motifs pris des grands avantages qu’on y trouve, à y marcher avec fermeté et avec constance. […] Sans doute le plus grand dessein qui puisse rouler dans l’esprit d’un homme c’est celui de connaître soi-même la Vérité ; et le dessein, qui se suit immédiatement après en importance, et qui le surpasse en difficultés, c’est celui de la faire connaître aux autres. […]) (p. 375)
Mais qu’est-ce que cette idée générale de la Vérité ? Qu’est-ce que la Vérité universelle ? Salomon veut-il que nous parvenions à avoir des idées exactes de tous les êtres, que nous acquérions la perfection de tous les Arts, que nous approfondissions les secrets de toutes les Sciences ? Qui est-ce qui peut suffire à cet ouvrage ?
Il me semble, mes frères, que quand il nous exhorte ici d’acheter la Vérité, dans cette idée vague et indéterminée, il veut nous porter à acquérir cette heureuse disposition d’esprit qui fait que nous donnions à chaque question qui nous est proposée le temps et l’attention qu’elle mérite ; à chaque preuve la force ; à chaque difficulté son poids ; à chaque bien sa véritable valeur. Il veut nous inspirer cette exactitude de discernement, cette équité de jugement, qui nous fait regarder comme démontré ce qui est démontré, comme problématique ce qui est problématique, comme digne d’une grande application ce qui est digne d’une grande application, comme digne d’un amour modérée ce qui est digne d’un amour modéré, comme digne d’un amour sans bornes, et ainsi de suite. […] Surtout avec cette disposition nous nous convaincrons de ce principe auquel le grand but de Salomon est de nous conduire, c’est que la Science du salut est ce qu’il y a de plus digne de l’application de nos esprits et de nos cœurs. Et avec cette disposition nous ferons des progrès immenses dans cette Science du salut.
Mais cette Vérité universelle, cette disposition d’esprit qui y conduit, ne s’acquièrent pas sans travail et sans sacrifice. Il faut les acheter. Achète la Vérité ! Et, pour me borner à quelques idées distinctes, la Vérité universelle, la disposition d’esprit qui y conduit, demandent le sacrifice de la distraction ; le sacrifice de l’indolence et de la paresse d’esprit ; le sacrifice de la précipitation de jugement ; le sacrifice du préjugé ; le sacrifice de l’entêtement ; le sacrifice de la curiosité ; et le sacrifice des passions. Nous comprenons tout ce sujet dans sept préceptes : I. Soyez attentifs. II. Ne vous rebutez pas pour le travail. III. Suspendez votre jugement. IV. Faites céder le préjugé à la raison. V. Ayez de la docilité. VI Refrénez l’insatiable désir que vous avez de savoir et de connaître. VII. Pour éclairer votre esprit rendez-vous maître de votre cœur. Voilà le prix auquel Dieu a mis cette Vérité universelle et cette disposition d’esprit qui y conduit. […] (p. 379-381)
Tels sont les sacrifices que la Vérité demande de nous ; tels sont les préceptes qui nous sont imposés pour la connaître. Et ce que nous venons de proposer explique un triste phénomène. Pourquoi tant de gens qui croupissent dans les erreurs les plus grossières ? Pourquoi tant de gens qui admettent comme des démonstrations les propositions les plus absurdes ? Pourquoi, en un mot, tant de gens qui ont l’esprit faux ? C’est que la droiture de l’esprit ne s’acquiert pas sans peine et sans travail ; c’est que la Vérité est mise à prix ; c’est qu’il en coûte beaucoup pour la connaître et qu’il y a peu de gens qui l’aiment assez pour l’acquérir au prix des sacrifices qu’elle demande. Mais quelque grands que soient ces sacrifices, ils ne sont pas comparables aux avantages que la Vérité vous procurera. (p. 405)
Jacques Saurin
Jacques Saurin, Sermons sur divers textes de l’Écriture Sainte, Tome III, Sur la recherche de la Vérité, Pierre Husson, La Haye, 1731.