Cependant, il se trouve des gens qui jouissent des douceurs de la lumière et de la vie et qui n’en reconnaissent point l’auteur, ou qui feignent seulement de le reconnaître, pour éviter le nom d’Athées. Gens qui s’accommodent à toutes sortes de Religions, parce qu’ils n’en ont aucune, et qui sont capables de les quitter, ou de les prendre, selon qu’elles peuvent servir ou nuire à leurs intérêts et à leurs plaisirs. Ils ne veulent recevoir de lois que celles que la volupté leur donne, les plus justes leur sont les plus cruelles et le seul nom de Divinité les offense ou ne les touche point. Ils détruisent, autant qu’il leur est possible, celui qui leur a donné l’être, et se flattent à ne croire pas ce qu’en le croyant, ils seraient obligés de respecter et de craindre. Leurs humeurs libertines ne leur permettent jamais de s’instruire, et sans doute, ils ne lisent point du tout ; ou s’ils lisent, ils ne méditent point, ou s’ils méditent, comme ils sont naturellement méchants, ils convertissent tout en mal.
Quoi qu’il en soit, ils veulent passer pour fins et pour subtils et croient être bien mieux informés que les autres, lorsqu’ils ont appris de quelque infâme sophiste, deux ou trois fausses preuves de leur opinion détestable, qu’ils font insolemment valoir devant les profanes comme eux, ou devant des ignorants. Hors de là, ils s’en taisent, ou n’en parlent qu’en prenant le parti des ignorants mêmes, en ce qu’ils interrogent toujours et ne répondent jamais.
Jean Ogier de Gombauld
Jean Ogier de Gombauld, Considérations sur la Religion chrétienne, dans Traités et Lettres de feu M. Gombaud touchant la Religion, Pierre Lanclume, Amsterdam, 1769, p. 13-14