Saint, saint, saint le Seigneur ! O grand Dieu des armées,
De ces beaux cieux nouveaux les voûtes enflammées,
Et la nouvelle terre, et la neuve cité,
Jérusalem la sainte, annoncent ta bonté !
Tout est plein de ton nom. Sion la bienheureuse
N’a pierre dans ses murs qui ne soit précieuse,
Ni citoyen que Saint, et n’aura pour jamais
Que victoire, qu’honneur, que plaisir et que paix.
Là nous n’avons besoin de parure nouvelle,
Car nous sommes vêtus de splendeur éternelle.
Nul de nous ne craint plus ni la soif ni la faim,
Nous avons l’eau de grâce et des Anges le pain ;
La pâle mort ne peut accourcir cette vie,
Plus n’y a d’ignorance et plus de maladie.
Plus ne faut le soleil, car la face de Dieu
Est le soleil unique et l’astre de ce lieu :
Le moins luisant de nous est un astre de grâce,
Le moindre a pour deux yeux deux soleils en la face.
L’Éternel nous prononce et créé de sa voix Rois,
nous donnant encore plus haut no que Rois :
D’étrangers il nous fait ses bourgeois, sa famille,
Nous donne un nom plus doux que de fils et de fille.
Adam, ayant encore sa condition pure,
Connut des animaux les noms et la nature,
Des plantes le vrai suc, des métaux la valeur,
Et les élus seront en un être meilleur.
11 faut une aide en qui cet homme se repose !
Les Saints n’auront besoin d’aide ni d’autre chose.
Il eut un corps terrestre et un corps sensuel :
Le leur sera céleste et corps spirituel.
L’âme du premier homme était âme vivante :
Celle des triomphants sera vivifiante.
Adam pouvait pécher et du péché péril
Les Saints ne sont sujets à pécher ni mourir.
Les Saints ont tout ; Adam reçut quelque défense,
Satan put le tenter, il sera sans puissance,
Les élus sauront tout, puisque celui qui n’eut
Un être si parfait toutes choses connut.
Théodore-Agrippa d’Aubigné (1552-1630)
Cette évocation de la nouvelle terre et des nouveaux cieux est tirée du dernier livre de l’immense épopée chrétienne d’Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, livre consacré au Jugement. Nous citons les vers 1055 à 1076 et 1127 à 1142.