Quelques réflexions sur la lecture de la Bible

par | Résister et Construire - numéros 43-44

  1. L’auteur premier de la Bible est Dieu Lui-même, en la Personne du Saint-Esprit. Il faut donc en tout premier lieu aborder la lecture de ce livre dans une attitude de révérence, de foi et d’obéissance. La crainte de Dieu (une expression utilisée dans l’Ancien Testament pour parler de la foi, de ce en quoi nous mettons toute notre confiance) est le commencement de la sagesse.
  2. L’auteur premier de la Bible étant Dieu, tout ce que peut contenir ce livre est vrai et au plus haut point digne de notre lecture attentive et intelligente et, là où la Bible l’exige, de notre obéissance. Rien de ce qui y est contenu n’est à rejeter ou à mettre de côté. Dieu est vrai. Il n’est pas un homme pour mentir. En Lui ne se trouve pas l’ombre d’une variation ou d’un changement. Ce livre est marqué du sceau divin de l’infaillibilité.
  3. L’auteur premier de la Bible étant Dieu, ce livre écrit pendant un laps de temps de près de 1500 ans constitue un seul ouvrage, un seul livre. Il est, en conséquence, animé par une pensée cohérente et systématique, pensée dont l’auteur n’est autre que le Saint-Esprit Lui-même, troisième personne de la Sainte Trinité. S’il contient des choses qui nous sont parfois difficiles à comprendre (à cause du caractère limité de notre intelligence et, en conséquence, des effets du péché sur l’exercice de toutes nos facultés), par contre, il ne contient aucune véritable contradiction. Ceci implique que la foi est à la base de toute vraie intelligence, qu’il faut croire pour comprendre, et non, comme si notre intelligence contenait son propre fondement, comprendre pour croire. L’intelligence de Dieu, qui nous est partiellement révélée dans la Bible, est toujours première. L’intelligence humaine, dans l’existence qui lui est propre, a un caractère dérivé et second. Notre intelligence, pour se tenir dans le vrai, doit prendre ses repères dans la Vérité de Dieu présente dans la création et qui nous est clairement révélée par Dieu Lui-même dans la sainte Écriture.
  4. L’auteur premier de la Bible étant Dieu, et Dieu ayant autorité plénière sur sa création tout entière, ce livre requiert de nous, non seulement l’adhésion de notre pensée, mais également celle de notre volonté, de notre affectivité et de nos actes. La foi – crainte de Dieu – n’existe effectivement chez l’homme que lorsqu’elle est accompagnée d’obéissance. La croissance dans l’intelligence de la Parole de Dieu est, par-dessus tout, le fruit d’une telle obéissance de la part de celui qui étudie la Bible. Car Dieu accorde toujours davantage de lumière à ceux qui mettent leur zèle à obéir à ses commandements. L’intelligence de la foi ne peut, en conséquence, être séparée de la sanctification du chrétien. La foi se prouve par ailleurs par la persévérance du croyant à obéir durablement aux exigences de la Bible. Toute autre foi en Dieu – celle du diable, par exemple, qui croit et qui tremble – n’en est que le simulacre et la contrefaçon.
  5. Ce livre, la Bible, dont l’auteur premier est Dieu, possède néanmoins, sur le plan de la causalité seconde, de nombreux auteurs humains. Dans la rédaction infaillible des livres bibliques qui leur sont propres, ces auteurs gardent toutes leurs qualités humaines particulières et leurs écrits portent tous la marque évidente des circonstances de temps, de culture et de lieu de leur rédaction. Ceci implique, entre autres choses, que dans notre étude de la Bible, nous devons prêter une attention scrupuleuse aux détails lexicographiques, grammaticaux, stylistiques et historiques du texte, afin de bien comprendre ce qu’il a à nous dire aujourd’hui. La compréhension du sens véritable de la Bible ne pourra jamais être le fruit d’une quelconque paresse intellectuelle. Ce livre, la Bible, étant ainsi dans son infaillibilité si fortement marquée par le passage du temps, par le déroulement de l’histoire, a un caractère nécessairement progressif. Mais rappelons que cet ouvrage, qui se développe à travers le temps, constitue un tout. Il est en fait un seul ouvrage d’origine divine. Il nous faut, en conséquence, remarquer que le Nouveau Testament ne peut véritablement se comprendre sans une connaissance approfondie de l’histoire de la révélation contenue dans l’Ancien Testament. Mais, en plus, nous devons constater que c’est uniquement à la lumière plus éclatante du Nouveau Testament que l’Ancien peut être correctement compris. Ceux qui rejettent le Nouveau Testament ne peuvent comprendre l’Ancien. Ceux qui, par contre, refusent l’Ancien Testament, se coupent de toute véritable compréhension de l’histoire du salut, de l’Évangile.
  6. Ce livre, dont l’auteur premier est Dieu, porte ainsi les marques du temps et de l’espace (aspects de la création éminemment bons !) sans que cela n’affecte, en aucune manière, ni l’infaillibilité, ni, encore moins, l’autorité universelle de ce Saint Livre. Cette autorité, étant celle de Dieu Lui-même, est absolument universelle. Elle s’applique, en conséquence, à toute culture et demeure valable en tout lieu, son autorité subsistant pour toutes les époques de l’histoire humaine. L’écoulement du temps ne constitue d’aucune façon un mal, contrairement à ce qu’enseigne trop souvent la philosophie humaine. Dieu emploie le temps pour accomplir ses desseins. Sans une compréhension juste du déroulement de l’action de Dieu dans l’histoire, il est impossible de comprendre quoi que ce soit à son plan éternel. C’est pour de telles raisons que celui qui veut bien comprendre la Bible doit être attentif au sens divin du passé, de l’histoire. Mais, dans la mesure où Dieu lui permet de les comprendre et avec une saine prudence, celui qui veut sonder les Écritures doit aussi scruter avec soin, à la lumière de la révélation écrite, la signification divine des événements de son propre temps.
  7. Ce livre, dont l’auteur premier est Dieu, manifeste également une grande diversité quant aux formes des écrits qu’il contient. Il n’est pas possible de bien comprendre le sens de ces écrits infaillibles sans prendre conscience des formes spécifiques de chacun des textes dont il est composé. Car la forme littéraire des textes bibliques (comme certains éléments du contexte culturel du temps et du lieu où ils furent écrits) fait partie intégrante de leur inspiration divine. C’est ainsi que le lecteur de la Bible ne doit pas hésiter à se pencher sur la forme littéraire du texte qu’il étudie et surtout sur l’articulation précise de cette forme avec le sens que l’auteur cherche ainsi à communiquer plus effectivement au lecteur.
  8. Dans ce livre dont l’auteur premier est Dieu, les textes portent en eux-mêmes un sens. Mais cela est souvent le cas également pour les événements décrits par les textes bibliques eux-mêmes. Ces événements premiers ont un sens qui va au-delà du récit immédiat qui nous les rapportent. Le sacrifice d’Abel, par exemple, est un récit dont le sens historique premier nous est immédiatement accessible. Mais ces événements nous parlent également d’un autre ordre de faits qui eux sont encore à venir : et tout particulièrement du sacrifice ultime du Christ à la croix. Ceci est également, et de manière encore plus précise, le cas pour le sacrifice offert par Abraham de son propre fils Isaac sur la montagne de Morija, lieu même où, bien plus tard, le Fils de Dieu serait Lui-même sacrifié pour le salut du monde par son Père céleste sur la montagne de Sion. Cela implique que pour bien saisir le sens typologique futur d’un récit biblique, il faut tout d’abord en comprendre le sens premier, le sens historique. Les textes bibliques doivent en conséquence être toujours lus d’abord dans leur sens historique premier. Toute lecture figurative (allégorique ou typologique) doit s’appuyer sur une première compréhension historique et littérale du texte biblique. Seulement ensuite pourra s’effectuer une lecture utile et prudente du sens prophétique de l’événement décrit par le récit de l’auteur inspiré. Car Dieu n’est pas seulement le Maître souverain de la rédaction des textes bibliques, mais également, dans sa Providence universelle, le Maître de tous les événements de l’histoire (et plus particulièrement des événements dont est tissée l’histoire du salut). Car c’est Lui qui attribue souverainement aux événements de l’histoire leur sens ultime.
  9. L’auteur premier de la Bible est Dieu. Mais c’est Lui aussi le créateur de l’intelligence humaine et, par conséquent, l’auteur premier du langage des hommes. Il existe ainsi une correspondance (certes imparfaite à cause des effets du péché sur les langues humaines) entre le langage courant des hommes et celui (lui normatif car infaillible) de la Bible. Ceci implique que celui qui cherche à comprendre la Bible doit être particulièrement attentif aux structures grammaticales et à la richesse de sens lexicographique tant de sa propre langue que des diverses autres langues auxquelles il peut avoir accès.
  10. Enfin, Dieu, l’auteur premier de la Bible, est également l’auteur de toutes les formes substantielles concrètes de la création, formes parfaitement accessibles à l’intelligence des hommes au moyen de l’usage ordinaire de leurs sens. Dieu a en conséquence inscrit à l’intérieur même de ces formes substantielles concrètes (l’eau, la terre, le ciel, le lion, la vigne, le berger, le père, la maison, la cité, les montagnes, les arbres, etc.), et dans le langage qu’Il a donné aux hommes pour les nommer et en parler, un instrument analogique adéquat pour parler des plus hautes réalités spirituelles. C’est ainsi que les choses de la terre sont les instruments privilégiés établis par Dieu pour parler de manière appropriée (mais limitée et partielle) des réalités du ciel. C’est ainsi également qu’une saine compréhension de la Bible requiert de son lecteur une attention toute particulière à la signification de la création de Dieu telle qu’elle se manifeste dans les formes substantielles de l’ordre naturel créé, ordre plein de sens. L’observation de cet ordre des formes substantielles créées, contrairement à la connaissance des structures de la création que nous livre la science quantitative moderne, nous est directement accessible par nos sens. C’est pour cela qu’une saine compréhension de la Bible et une formation théologique qui serait adéquate à son objet propre – la révélation écrite de Dieu – exigent, comme c’était jadis le cas aux époques dites orthodoxes, scolastiques et réformées, le développement d’une saine philosophie de la nature, discipline distincte des sciences modernes mais qui ne leur est pas nécessairement opposée.

Jean-Marc Berthoud

Lausanne, le 12 décembre 1998