Recensions de livres relatifs à la critique biblique

par | Résister et Construire - numéros 43-44

Pierre Ch. Marcel, Face à la critique, Jésus et les Apôtres, Esquisse d’une logique chrétienne, La Revue Réformée, supplément au N° 147-1986/3 (sept. 1986). Paru aussi aux Éditions Labor et Fides-Kerygma, 1986.

Pierre Marcel nous livre ici, plus qu’une simple critique de la Critique, une véritable synthèse de sa pensée, toute nourrie de la Parole de Dieu. D’où le sous-titre de l’ouvrage : Esquisse d’une logique chrétienne. La « logique chrétienne » n’a que peu de choses à voir avec les prétendues « logiques » de ce siècle, où l’homme pense être la mesure de toutes choses, y compris de Dieu et de sa Parole. La « Haute Critique » de la Bible – la méthode dite « historico-critique », issue de courants de pensée en contradiction évidente avec les présupposés de la foi – rationalisme des « lumières », existentialisme, évolutionnisme, etc. –, sape les fondements même du christianisme biblique et historique, en ce qu’elle s’attaque à la nature divino-humaine de l’Écriture, en ne retenant d’elle que son côté humain. Le texte biblique est traité comme n’importe quel autre texte de l’antiquité. Le surnaturel est évacué. Les prophéties ne sont plus possibles. Il faut donc bien expliquer les choses autrement. Et c’est ainsi que l’on se retrouve avec ce que Pierre Marcel appelle un « christianisme à la dérive » : un « Dieu racorni », un « Christ rabougri », un « homme recroquevillé », une « réalité ratatinée », avec pour corollaire, une « extension de l’Ennemi » (cf. pp. 150ss) ! Et c’est de cette façon que ces théologiens dits « modernes » se trouvent en désaccord avec la Bible ! Ces théologiens s’octroient le dangereux privilège de réinventer le christianisme, en le mettant au goût du jour, en le modelant, tel un nez de cire, à leurs convenances, afin de ne pas heurter les esprits, afin de rester crédibles à l’« homme-moderne », malgré tout. C’est cela que Pierre Marcel entend dénoncer dans ce pamphlet – car c’en est un !-, tout conscient qu’il est de défendre ainsi la cause du Christ, 1ᵉ Chef de l’Église et le Seigneur de tous. Une citation pour finir, en guise de conclusion :

Incroyable, mais vrai : on offre pour remède à l’homme-moderne ce qu’on croit qu’il est devenu on se fait le porte-parole de son idéologie et de ses misères. Si le monde est présent dans l’Église, comment l’Église peut-elle être présente au monde ? – Les difficultés de l’homme moderne à recevoir l’Évangile sont celles de tous les temps. Il y faut la repentance et la foi, par la puissance de l’Esprit Saint. Mais l’Esprit n’a pas de place dans la nouvelle théologie ! (p. 149)

Et encore :

Au cours de cette étude, nous avons rencontré opposées l’une à l’autre : une logique profane et une logique chrétienne, comme le sont la sagesse de ce monde et la Sagesse de Dieu. Aussi bien ces deux logiques sont-elles chacune l’expression de ces deux sagesses. Pour la Révélation biblique, celle-ci est une logique de bon sens ; nous pouvons dire : la logique du bon sens. Celle-là, tout au contraire, se démontre logique de non-sens. Le sens commun, le sens moral, le sentiment, la raison naturelle déclassent et dénaturent la pensée et le comportement (p. 157).

Pierre Courthial, « Sur l’herméneutique », dans Fondements pour l’avenir, Aix-en-Provence, Ed. Kerygma, 1981.

Pierre Courthial nous livre ici les clefs d’une saine herméneutique, respectueuse de la nature à la fois divine et humaine de l’Écriture. Car toutes les approches de la Bible, toutes les lectures de l’Écriture ne se valent pas. Seule une approche vraiment fidèle au « monde » de la Bible, à son contenu de foi – les théologiens appellent cela le principe de l’« analogie de la foi » – mérite d’être appelée chrétienne. Une herméneutique biblique repose, selon Courthial, sur le présupposé, l’axiome fondamental, pré-herméneutique suivant : la Bible est véritablement ce qu’elle prétend être, à savoir la Parole de Dieu, pleinement digne de confiance – inerrante !

Cela étant dit, la règle fondamentale de l’herméneutique chrétienne, c’est que l’Écriture doit être interprétée selon l’Écriture, ce qui signifie concrètement que :

  • l’Écriture doit être interprétée selon sa structure historique ;
  • l’Écriture doit être interprétée selon sa structure littéraire ;
  • l’Écriture doit être interprétée selon sa structure christocentrique.
  • Enfin, et puisque nous ne sommes pas chrétiens tout seuls, l’herméneutique chrétienne, selon Courthial, se doit de même d’être respectueuse de la tradition de l’Église, au sens noble du terme : « l’herméneutique chrétienne trouve sa situation fondamentale dans la communion de l’Église. » Et encore : « d’herméneute chrétien n’est pas un individu isolé. Sa tâche s’inscrit dans la communion du peuple de l’Alliance. » (p. 58)

Voilà bien posées les règles fondamentales d’une science de l’interprétation qui se veut vraiment respectueuse de l’autorité souveraine des Saintes Écritures, Parole de Dieu.

Pierre Courthial, « La conception barthienne de l’Écriture Sainte, point de vue réformé », dans Fondements pour l’avenir, Aix-en-Provence, Ed. Kerygma, 1981, pp. 17-41.

Pierre Courthial nous livre ici une juste critique de la conception barthienne de l’Écriture Sainte. La thèse défendue ici, c’est que :

[…] la plupart des erreurs, des défauts, des éléments « gnostiques » de la Dogmatique du théologien de Bâle proviennent radicalement de sa doctrine non-scripturaire de l’Écriture.

S’il est indéniable que l’œuvre de Barth a apporté un plus par rapport aux courants théologiques rationalistes et anthropocentriques de l’époque – dans la lignée du très libéral Schleiermacher – il n’en demeure pas moins vrai que celle-ci reste marquée par la tradition critique, elle-même fondée sur des « motifs de base » étrangers à l’Écriture – rationalisme, existentialisme, etc.

C’est ainsi que, pour Barth, l’Écriture n’est pas en elle-même la Parole de Dieu, dans le sens où celle-ci serait le résultat d’une action toute spéciale de Dieu, en vue de la constitution d’une Bible infaillible, mais seulement un témoignage à la révélation divine en Christ.

Aussi, Barth n’a-t-il aucune difficulté à admettre que la Bible contienne des erreurs théologiques et religieuses, qu’elle se contredise en maints endroits, ce que les Réformateurs et les théologiens orthodoxes n’ont jamais fait. La

[…] « faille » dans la doctrine barthienne de l’Écriture est […] au point précis de ces affirmations sur la « faillibilité » et les « erreurs théologiques et religieuses » de la Bible. Et c’est par cette « faille » de la « faillibilité » de l’Écriture que se sont glissées les « erreurs théologiques et religieuses » de Barth et de ses disciples. Et c’est par là que tant de « barthiens » sont allés ensuite rejoindre […] soit Rome, soit le néo-protestantisme (p.35).

En contraste avec cette approche barthienne de l’Écriture, Pierre Courthial fait valoir que seule la doctrine réformée de l’inspiration plénière, sans faille, de la Bible, et son corollaire qui est l’inerrance infaillibilité de celle-ci – la Bible est exempte d’erreur et ne saurait se contredire – rend pleinement justice à ce que l’Écriture Sainte nous dit d’elle-même. La Bible est la Parole de Dieu : tel est l’axiome et le présupposé fondamental de la foi, en dehors duquel il ne peut y avoir qu’errance et incertitude.

Pierre Courthial, « L’Écriture, traité d’alliance », dans Fondements pour l’avenir, Aix-en-Provence, Ed. Kerygma, 1981, pp. 43-51.

La thèse défendue ici par Pierre Courthial reprend les conclusions de nombreux savants tels que M. G. Kline, K. Kitchen, G. Mendenhall ou D. J. MacCarthy, au sujet de la structure alliancielle de nombreuses sections de la Bible : code de l’alliance, Décalogue, Deutéronome, etc. Je cite :

Si la structure rédactionnelle de telle ou telle partie de l’Écriture […] est exactement en forme de « traité d’alliance », en tout point comparable à celle des traités d’alliance du second millénaire avant notre ère – ce qui rend anachroniques et scientifiquement insoutenables, à nos yeux, les hypothèses classiques d’une certaine critique rationaliste sur l’époque de composition du Pentateuque –, c’est l’Écriture tout entière qui est, sinon en forme, du moins en contenu de sens, Traité d’Alliance, si bien que toutes les parties et tous les genres littéraires de la Bible concourent à l’expression de l’Alliance que Dieu a établie entre lui et son peuple (p. 45).

C’est précisément le caractère allianciel de l’Écriture qui confère à celle-ci toute son autorité – canonique et normative –, comme Parole infaillible de Dieu :

Dès son noyau, le Décalogue, […] l’Écriture s’est constituée, avec sa pleine autorité de Parole de Dieu, comme Traité de l’Alliance du Seigneur avec son peuple, du Christ-Époux avec son Église-Épouse.

Vous pourrez lire de même avec grand profit deux autres articles de Pierre Courthial dans le même ouvrage (Fondements pour l’avenir), et sur le même sujet de l’autorité de l’Écriture : « Autorité de l’Écriture et ministère de l’Église », ainsi que « Parole de Dieu et pouvoirs ».

Ouvrage collectif, Bible et interprétation, Lausanne, Revue Hokhma N° 8 (1978)

Ce numéro de la revue théologique Hokhma contient une série d’articles très intéressants au sujet du statut de l’Écriture et de son interprétation. Vous trouverez, en particulier, un article du théologien James Packer, intitulé : L’herméneutique et l’autorité de la Bible, ainsi qu’un article du professeur Paul Wells sur « Révélation et inspiration » – les options « libérale » et « fondamentaliste » sur l’Écriture : James Barr contre Benjamin B. Warfield.

Dieu parie ! Études sur la Bible et son interprétation. Kerygma, Aix-en-Provence, 1984.

Études remarquables rassemblées par Paul Wells en honneur de Pierre Courthial et écrites par Pierre Berthoud, Jean Carmignac, Peter Jones, Pierre Marcel, François Gonin, Paul Wells, Henri Blocher, Roger Barilier, William Edgar, Jean-Marc Daumas et Jean Brun.

Henri Blocher, « Thèses sur le statut des Écritures », Hokhma N° 60 (1995), pp. 100ss.

Les trois déclarations de Chicago, dans La Revue Réformée N° 197 (Janv. 1998) : la nature de la Bible ; l’interprétation de la Bible ; la mise en pratique de la foi biblique.

La Déclaration de Cambridge, La Revue Réformée N° 193 (mars 1997), pp. 61 ss.

Vincent Bru

Paul Wells, Dieu a parlé. La Bible semence de vie dans le cœur labouré, La Clairière, Quebec, 1997 276 pages.

Cet ouvrage aborde, expose et étudie tout ce qui concerne la Bible : l’inspiration 6 qui a conduit à sa rédaction, son aspect révélationnel, son autorité, sa vérité et les règles d’interprétation. S’il faut s’accrocher quelquefois – mais l’enjeu en vaut la chandelle –, le tout est lisible par un large public. Paul Wells, professeur à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence a, en effet, plus d’une corde à son arc pédagogique : un langage simple, des paragraphes courts avec des en têtes claires, des schémas fléchés, des tableaux heureusement accompagnés eux-mêmes de données explicatives, des exemples nombreux là où c’est nécessaire (la question moderne de la contextualisation, pp. 173-183, résumée sous forme de douze thèses pp. 186-187) et même un entretien imaginaire avec Moïse et l’apôtre Pierre ! On sent que l’auteur, qui a écrit avec ses compétences professorales, est animé d’un vrai souci pour ceux qui composent l’Église et qui ont à cœur de mieux aimer et servir Celui qui a choisi de se révéler par des paroles humaines.

La notion résolument réformée (et biblique !) d’alliance appliquée à l’Écriture préside à la thèse centrale du livre, à savoir que la Bible est à la fois de nature divine et de nature humaine, servante à l’image du Christ. Cette continuité et cette complémentarité entre le divin et l’humain exige alors de prendre en considération les auteurs, leur style et leur culture dans notre interprétation qui devra intégrer tout autant le fait que, par eux, Dieu se révèle.

Vous trouverez dans ces pages des réponses aux objections les plus courantes formulées sans mépris, mais également sans concessions avec une érudition bien réelle, mais jamais pédante. La bibliographie fouillée et actuelle – les publications récentes sont mentionnées, comme l’Encyclopédie du protestantisme dont l’article sur la Bible est évalué (pp. 205-207) ; on trouve même des titres parus en 1997 ! – constitue une mine pour celui qui veut aller encore plus loin, s’il est possible ! On pourra regretter que les références bibliques et les auteurs des citations faites en tête de chapitre ne soient pas dans le corps du texte mais intégrées aux notes à la fin de chaque chapitre. En revanche on se réjouira que des annexes mettent à disposition du public francophone les trois Déclarations de Chicago (en 1978, 1982 et 1986), outils précieux sur les sujets importants et brûlants que sont, outre l’inerrance, les règles d’interprétation et l’application de l’enseignement biblique, c’est-à-dire l’éthique. Au total un livre fondamental – et non fondamentaliste (le tableau de la page 23 et les explications de la page 24 sont éclairants à ce sujet) – sur un sujet qui l’est tout autant parce que c’est en effet là qu’est l’enjeu actuel : notre rapport à la Bible, son statut, sa nature d’où découle son autorité (« autorité » vient de « auteur »). Sans elle nous ne saurions aimer et servir son Auteur. Ce n’est pas la moindre qualité de cet ouvrage que de nous le rappeler et de nous inviter à le faire.

Sylvain Triqueneaux
Pasteur à St-Hilaire-de-Brethmas (Gard), France

Marie-Christine Ceruti-Cendrier, Les Évangiles sont des reportages, Paris, Téqui, 1997.

Cet ouvrage vivifiant commence de la façon suivante :

C’est simple, nous en avons assez : assez qu’on nous mente à longueur de parcours catéchétiques, de séminaires de formation biblique, de séminaires tout court et de noviciats ; assez qu’on nous considère comme des ânes à qui faire croire n’importe quoi ; assez qu’on transforme le caté en partie de colin-maillard et les catéchistes en « animateurs » ; assez qu’on refuse de nous enseigner quoi que ce soit si ce n’est une vague religion de l’humanité.

Ce petit texte a été écrit par un auteur catholique-romain ; nul doute qu’il eût pu l’être par un protestant. Le présent ouvrage est vivifiant, puisqu’il s’efforce de mettre à jour les ficelles des théologies-fictions élaborées par les critiques de la Bible. Le langage est simple et accessible à tous, les exemples concrets abondent et n’ont de cesse de surprendre, le ton est joyeusement polémique ; ce sont là autant d’éléments qui font la force de ce livre.

Nous proposons à nos lecteurs le jeu suivant : lisez attentivement Les Évangiles sont des reportages, puis visionnez les émissions Corpus Christi. Il s’agit alors de déceler le plus de lieux communs et de poncifs développés par les nombreux intervenants de l’émission. Il n’y a pas de prix à la clef, mais assurément une nette amélioration du discernement théologique et spirituel.

À lire et à faire lire.

Bertrand Rickenbacher

Carsten Peter Thiede et Matthew D’Ancona, Témoin de Jésus, Paris, Robert Laffont, 1996, 250 p. Voir aussi de C. P. Thiede, Qumrän et les Évangiles. Les manuscrits de la grotte 7 et la naissance du Nouveau Testament. Le fragment 705 est-il le plus ancien manuscrit de l’Évangile de Marc ? F.-X. de Guibert, Paris, 1994, 134 p. ; Jésus selon Matthieu. La nouvelle datation du papyrus Magdalen d’Oxford et l’origine des Évangiles. Examen et discussion des dernières objections scientifiques, Guibert, 1996, 116 p.

La veille de Noël 1994, le Times de. Londres annonçait en première page une découverte de prime importance touchant aux origines du christianisme : les plus anciens fragments de l’Évangile de Matthieu, qui reposaient depuis 1901 dans la bibliothèque de Magdalen College d’Oxford, avaient pu être datés autour des années 50 après Jésus-Christ, grâce aux recherches d’un papyrologue allemand, Carsten Peter Thiede.

Une telle déclaration fit l’effet d’une bombe chez les spécialistes du Nouveau Testament. Pour la première fois, il y avait une preuve matérielle que l’Évangile de Matthieu avait été dicté par l’Apôtre lui-même, témoin oculaire de Jésus. Cela remettait totalement en question l’opinion largement répandue chez les critiques bibliques que les Évangiles n’étaient que des compilations tardives du II siècle, entachées de mythes et fort éloignées de « l’histoire réelle » de Jésus. D’un seul coup, toutes les tentatives critiques (de Albert Schweitzer à Rudolf Bultmann et jusqu’à la critique moderne) pour remonter au Jésus historique devenaient vaines. Jésus-Christ, tel qu’il avait vécu dans son incarnation terrestre, se trouvait devant nos yeux depuis près de deux mille ans dans les Évangiles que nous connaissons, et ces témoignages, nous avions de nouvelles raisons de les considérer comme fiables.

Le livre de Matthew D’ Ancona, rédacteur en chef adjoint du Sunday Telegraph, nous raconte pas à pas l’aventure de ces trois minuscules fragments de papyrus, depuis leur découverte à Luxor par le Rev. Charles Huleattjusqu’àleurdatation–àla fin du deuxième siècle par Colin Roberts en 1953, puis, enfin, leur redécouverte en 1994 par Carsten Peter Thiede. Ce dernier, grâce à toutes les méthodes actuelles de la papyrologie, a pu les redater à la moitié du premier siècle de notre ère.

Véritable enquête policière, ce livre nous expose aussi les arguments a priori qui se cachent souvent derrière le refus de reconnaître l’ancienneté des Évangiles. Il nous fait aussi découvrir la vie des premiers chrétiens, les relations qu’ils entretiennent avec les Esséniens de Qumrân et avec le monde méditerranéen dans la propagation de l’Évangile, le passage du rouleau au codex dans la retranscription de l’Écriture sainte, ou encore leur rupture avec la communauté juive de Jérusalem dans les années 60.

Thiede se penche aussi, après le papyrologue espagnol Jose O’Callaghan en 1972[1], sur le papyrus 705 trouvé dans la grotte 7 de Qumrân, et qu’il attribue à l’Évangile de Marc ; ce qui signifie que celui-ci fut composé moins d’une génération après la crucifixion de Jésus, soit avant la prise de Qumrân par la dixième légion romaine en 66.

Mais comme Matthew D’Ancona le fait remarquer, si les conclusions auxquelles aboutit Thiede ont convaincu la communauté des papyrologues, il en est autrement des spécialistes du Nouveau Testament qui préfèrent souvent se clôturer derrière leur théorie de la non-vraisemblance des Évangiles plutôt que d’affronter la réalité, au risque de devoir changer de présupposés. Graham Stanton, spécialiste du Nouveau Testament au King’s College de Londres, fait bien de nous mettre en garde :

L’interprète doit permettre que sa propre version et sa propre compréhension soit modifiée, ou même complètement remaniée par le texte lui-même. À moins que cela ne puisse arriver, l’interprète ne pourra pas éviter de projeter ses propres idées sur le texte. L’exégèse rigoureusement dirigée par la précompréhension ne pourra établir que ce que l’interprète connaît déjà. Il doit y avoir un dialogue constant entre l’interprète et le texte.

S’il est vrai que notre foi n’a pas à voguer au gré des découvertes scientifiques, Thiede nous montre avec brio et sagesse que la foi n’a pas à rougir d’une science respectueuse de ses limites, et qu’au contraire, elle s’y accorde parfaitement.

Micaël Berthoud

[1]      David Estrada and William White, A Dramatic Breakthrough Establishing the Authenticity of the First New Testament, Thomas Nelson, Nashville, 1978.