Seigneurs, qui Dieu devez aimer En qui l’amour n’a point d’amer [rien d’amer] Qui Jonas garda en la mer Par grand amour Les trois jours qu’il y fit demeure, À vous tous fais-je ma clameur D’Hypocrisie, Cousine germaine d’Hérésie. […] Tels gens, ce dit l’Écriture, Nous mettront en déconfiture, Car Vérité, Pitié et Charité Et Largesse et Humilité [S’] ont ja [déja] soumises ; Et maints postiaux de sainte Église, [nombreux piliers, autorités] Dont les uns blessent et les autres brisent, [Dont ils blessent les uns et brisent les autres] Ce voit on bien, Contre li ne valent mès rien. [Contre eux ils ne valent plus rien.] Les plus ors fit de son merrien [Les plus mauvais ont leur récompense] S’ils [leur] obéissent ; Nous enguignent [trompent] et Dieu trahissent. S’il fut en terre ils l’occissent, [Si le Christ fut sur terre ils le tueraient] Carils occient [tuent] Les gens qui vers eux s’humilient. [devant eux s’abaissent] Assez font-ils qu’ils ne disent. [lls font plus qu’ils ne disent !] Prenez y garde ! Hypocrisie la renarde, Qui dehors oint et dedans larde, [Qui luit au-dehors et vole au dedans.] Vient au Royaume. […] |
N’est pas tout or ce qui reluit. Hypocrise est en grand bruit : Tant a ouvré [travaillé], Tant se sont les siens aouvrés [efforcés] Que par engin ont recouvré [par astuce ont gagné] Grande partie du monde. N’est plus mès nuls qui leur réponde [plus aucun qui ne leur réponde] Que maintenant ne le confondent [Ils ne le condamnent] Sans jugement. Et par ce voyez plainement [clairement] Que c’est contre l’avènement [Que nous sommes proches de la venue] De l’Antéchrist. Ils ne croient pas le droit écrit De l’Évangile de Jésus-Christ Ni ses paroles. En lieu de voire, disent frivoles [des vraies paroles, disent des légères] Et mensonges vains et volcs [volages], Pour décevoir [tromper] Les gens et pour apercevoir S’a pièce voudront recevoir [si à la fin ils aceueilleront] Celui qui vient [l’Antéchrist], Que par tels gens venir convient [mérite d’arriver] ; Car il viendra, bien m’en souvient, Par hypocrites ; Les prophéties en sont écrites. Or vous ai-je telle engeance décrite.
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Rutebeuf
Œuvres, Édition Faral et Bastin, Paris 1959, Volume I, p. 250-255
Ce poème fut écrit par Rutebeuf au point culminant de la querelle menée par l’Université de Paris contre les Maîtres Dominicains et Franciscains, dont Saint-Thomas d’Aquin et Saint Bonaventure, imposés à l’Université par le Pape et le Roi de France. Ce texte est adapté par nos soins.