La soumission du croyant à l’autorité de l’Église est-elle conditionnelle ?

par | Résister et Construire - numéros 49-50

Oui, si l’Église, institution terrestre était infaillible. Or elle est composée d’êtres humains faillibles. C’est pourquoi, Jésus-Christ et les apôtres ont insisté pour que l’on s’attache à l’Écriture, elle seule étant infaillible. C’est sa parole qui nous jugera au dernier jour, nous dit le Christ (Jean 12:48) et non celle des papes ou de la Tradition de l’Église.     Rédaction.

L’obéissance inconditionnelle est due à Dieu seul, et sa parole écrite est l’unique règle nous permettant de connaître de manière infaillible ce qu’est sa volonté pour nous sur cette terre.
Cependant il ne faut pas oublier que l’obéissance n’en demeure pas moins un principe très important de l’Écriture. Les commandements de Dieu nous ont été donnés pour qu’on les mette en pratique. La Bible nous enseigne, parmi bien d’autres, les principes suivants :

  • le devoir d’obéir aux conducteurs (Hébr. 13:17) ;
  • celui d’obéir aux magistrats, et à toutes les formes d’autorité (Tite 3) ;
  • que la désobéissance entraîne inévitablement des sanctions (2 Thess. 3:14) ;
  • que nous sommes élus et sanctifiés pour obéir à Jésus-Christ (1 Pierre 1:2) ;
  • qu’on peut souffrir par motif de conscience pour obéir à Dieu (I Pierre. 2:19) ;
  • qu’il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act. 5:39) ;
  • que seuls ceux qui auront obéi et persévéré jusqu’à la fin seront sauvés (Math. 24:13).

Lorsque des personnes exerçant une autorité au-dessus de nous nous donnent des ordres explicitement contraires aux commandements de Dieu, il nous faut alors obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Actes 5:29).

L’obéissance inconditionnelle envers nos supérieurs est illicite et contraire à l’Écriture. En effet, une telle obéissance nous oblige à renoncer à l’écoute de notre conscience, et surtout à renoncer à entendre la voix infaillible de la loi écrite de Dieu. Une telle obéissance mécanique nous conduira également à renoncer à cette réflexion rationnelle qui nous permet de discerner entre le bien et le mal, entre ce qui est juste et ce qui est faux. Car c’est l’Écriture infaillible et irréformable sur laquelle doit, en fin de compte, se baser toute notre réflexion morale. Et c’est par la pratique constante d’une telle réflexion que se forme l’habitude du discernement (Hébr. 5:14).

On peut dire que ce discernement, trait caractéristique de l’état d’homme fait, (c’est-à-dire d’adulte spirituel) est devenu, dans l’Église romaine, presque impossible en ce qui concerne les dogmes dits infaillibles, puisque l’Église exige de ses membres une obéissance absolue et une foi aveugle dans les décisions dogmatiques irréformables du magister pontifical[1]. Oser se poser des questions, ou même douter d’un point ou d’un autre de cet arsenal dogmatique, est considéré comme une attaque du démon. Si le fidèle souhaite rester loyal envers son Église, il doit, en fin de compte, renoncer à sa réflexion propre sur un certain nombre de sujets. S’il parle de ses doutes à son confesseur, celui-ci aura vite fait de le remettre à l’ordre en lui montrant sur quelle voie de perdition il se trouve et en lui rappelant les anathèmes de l’Église. Le pape et le prêtre se sont ainsi substitués à la conscience du fidèle, puisque, selon la doctrine catholique, les membres de la hiérarchie ont, par le sacrement de l’ordre, été constitués des autres Christs.

Il est en conséquence extrêmement difficile pour un catholique fidèle de trouver toute la vérité dans la Bible à cause des limitations imposées par la censure ecclésiastique. S’il ne peut ni lire, ni comparer par lui-même, il aura de la peine à trouver le chemin, car il est tenu de lire la parole de Dieu d’après une interprétation imposée par les hommes, comme les Témoins de Jéhovah.

« La foi aveugle, déclarait l’évêque Théodoret (396-457), est la source de toutes les erreurs et de tous les maux de l’Église. De toutes les hérésies, la plus mauvaise, la plus dangereuse, est celle qui exige de l’homme, avec autant d’absurdité que d’injustice, qu’il renonce à son intelligence et n’examine pas sa religion, l’empêchant ainsi d’arriver jamais à une foi vivante et communicative. On nomme foi une acceptation irréfléchie de dogmes sans force qui ne s’appuient sur aucune démonstration. »[2]

« Un Catholique doit avoir bien souvent l’âme torturée lorsqu’il se met à étudier sérieusement l’Écriture car pour être fidèle envers son Église, il doit taire sa conscience, ses doutes et une certaine réflexion, au nom de l’obéissance absolue aux dogmes de Rome.

La lecture de l’Écriture révèle l’éloignement radical de l’Église actuelle (catholique ou protestante) par rapport au modèle de l’Église primitive, l’éloignement de sa doctrine actuelle face à la doctrine de Christ et des apôtres. Voilà pourquoi il est si dangereux de la lire. Quel dilemme ! Ou bien, on obéit à l’Église et l’on devient hypocrite, usant de toutes sortes de restrictions mentales, ou l’on devient rebelle aux yeux de Rome, avec tout ce qui s’ensuit…

L’Église romaine ne connaît que des fidèles ou des révoltés. La position qu’elle a prise lui en fait un devoir. Ou accepter sans réserve sa souveraineté, ou être classé pêle-mêle avec le rebut des âmes. Juifs, franc-maçons, athées, protestants, c’est tout un pour Rome. »[3]

« Les prêtres de l’Église de Rome sont forcés de se parjurer toutes les fois qu’ils expliquent un texte de la Sainte Écriture ; oui, bien que ce soit là une parole bien grosse et bien dure, c’est la vérité. Depuis le jour où il a juré, quand il a reçu l’ordination sacerdotale, de n’interpréter les Saintes Écritures que d’après le consentement unanime des saints Pères, le prêtre a rarement prêché sur un texte des Écritures sans être coupable de parjure. Car après avoir étudié les saints Pères avec quelques attentions, je suis prêt à prouver qu’ils sont seulement unanimes sur un seul point qui est de différer sur presque tous les textes des Écritures qu’ils ont commentés par écrit. Par exemple, un prêtre ne peut dire sans se parjurer que quand le Christ a dit à Pierre : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, il faisait allusion par cette pierre à Simon qui devait être la pierre fondamentale de l’Église, car le prêtre sait très bien que saint Augustin et beaucoup d’autres Pères disent que le Christ voulait parler de lui-même, lorsqu’il disait, sur cette pierre je bâtirai mon Église. »[4]

« Rome, on vient de le dire, ne connaît que des fidèles ou des révoltés. Ou lui obéir, même contre sa conscience, ou être hérétique. Et quand une âme qui aime ardemment Jésus-Christ se voit acculé à cette alternative de la révolte contre l’autorité de l’Église, ou de l’infidélité à la parole de Jésus, c’est affreux. Alors, se présente et vient s’offrir dans cette angoisse – qui ? osons le nommer, le Tentateur – et c’est le compromis, avec des arguments d’une subtilité satanique, d’ordre du sentiment et d’ordre de la conscience, le compromis par où se trouvent conciliés les inconciliables. »[5]

N’oublions pas que tout homme est tenu par Dieu pour personnellement responsable de ses actes.

Jean-Marc Berthoud

[1]     Les dogmes véritables de l’Église chrétienne, ceux qui – tels la Trinité, l’Incarnation ou la Justification par la foi seule – ne font qu’exprimer le contenu de sens biblique de la Foi sont en effet irréformables. Ce que l’homme ajoute de son propre cru doit par contre toujours être réformable, c’est-à-dire reformulable, pour devenir conforme à l’Écriture Sainte.

[2]     Antomarchi, Rome face à l’Évangile, Société Centrale d’Évangélisation, Paris, 1950, p. 112

[3]     Antomarchi, op. cit., p. 192

[4]     C. Chiniquy, Chiniquy, Les Éditions Beauport, Trois-Rivières, p. 496.

[5]     Antomarchi, op. cit., p. 191