L’Âge d’Homme, Collection Message, 2002
Conclusion
Un dernier mot, non pas pour reprendre mon propos, mais pour l’achever.
Dans la situation présente du monde qui accable trop de chrétiens et pourrait en désespérer certains, alors que le Règne du Seigneur et l’autorité de son Texte sacré sont contestés jusque dans l’Église, et qu’ainsi le jugement de Dieu a déjà commencé par elle, arrivent, par grâce, les jours des petits recommencements. Les chrétiens fidèles, qui souffrent en constatant l’autosatisfaction régnant dans des Églises se conformant (courageusement !) au monde du « socialement correct » et de l’« anti-christianisme de moins en moins masqué », doivent prendre leur libre et pleine responsabilité en rétablissant, autant que faire se peut, et petit à petit, les gouvernements divers voulus par Dieu lui-même, à commencer par le gouvernement, ou la maîtrise, de soi. Dans la famille, dans la vie professionnelle, dans la cité et les nations, dans l’Église locale, etc., chacun de ces gouvernements ayant sa sphère d’action particulière et limitée.
Cette transformation personnelle et sociale ne peut et ne pourra pas, ne doit et ne devra pas, être imposée de haut en bas, comme si l’un ou l’autre de ces « gouvernements » légitimes (celui de l’État ou de l’Église, par exemple) avait le droit de dominer les autres ; mais, au contraire, doit et peut se réaliser de bas en haut, en partant du plus proche, le gouvernement de soi, pour s’étendre, peu à peu, à tous les autres.
Il faut bien voir, en effet, que tant qu’un grand nombre d’hommes n’auront pas été changés par la grâce de Dieu et n’auront pas appris la maîtrise de soi ‐ prions pour que cela vienne ! ‐ il ne pourra pas y avoir, comme il le faut pour qu’il y ait chrétienté, la transformation nécessaire de la culture, de l’économie, de la politique, des arts, etc.
Les chrétiens ‐ mandat culturel et mandat missionnaire confondus ‐ doivent résolument « mettre en œuvre leur salut avec crainte et tremblement »[1], par l’action du Saint-Esprit et dans l’obéissance au Texte sacré.
Le Texte sacré ne vise pas seulement un salut « spirituel », le salut des « âmes », comme le présuppose le « piétisme », mais toute notre manière de vivre, en tous domaines, au quotidien.
Si la piété est bien au cœur de la vie chrétienne, le piétisme, lui, restreint faussement la vie chrétienne au domaine dit spirituel, alors que celle-ci doit embrasser tous les aspects, toutes les sphères, de notre existence terrestre. Le piétisme bloque au seul domaine spirituel l’extension de la vie chrétienne, qui doit s’emparer de tout le champ que le piétisme déclare « profane », de tout le champ recouvert par les mandats culturel et missionnaire confondus.
L’œcuménisme vigoureux, face aux Églises désunies, et la construction à poursuivre du Corps de Christ, de la chrétienté, face au monde a-chrétien ou anti-chrétien déboussolé, tels sont les deux grands axes parallèles à suivre conjointement pour que
- dans le temps d’une patiente préparation, ce Corps de Christ, cette Chrétienté, endure les difficultés, les souffrances et, s’il le faut, le martyre jusqu’au sang ;
- dans le temps de son accomplissement final, cette Chrétienté, réunissant toutes les nations, y compris Israël, dans le même Baptême, dans la même Foi et le même Repas de fête, soit préparée et prête pour la venue en gloire du Christ, son Chef, parée comme une Épouse pour son Époux[2].
Nous ignorons la longueur de temps qu’il faudra pour cet achèvement de l’histoire terrestre, comme aussi les combats à poursuivre, les souffrances à endurer et les croix à porter, pour y arriver ; mais nous savons que cet achèvement se produira certainement à cause
- de l’héritage de Dieu et du Christ promis à la sainte Église[3],
- de la soumission progressive de toutes choses à Jésus-Christ jusqu’à ce que ses ennemis soient sous ses pieds, jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous[4],
- de l’excellence de la puissance de Dieu[5],
- de la puissance de la Résurrection du Christ[6].
Dans les bouleversements présents, face à la terrible décomposition que traversent aujourd’hui les diverses dénominations chrétiennes, il ne nous faut ni avoir peur, ni être angoissés, ni nous décourager, ni nous dérober aux responsabilités qui nous incombent.
Sous la Providence seigneuriale du Dieu qui transforme en bien les projets humains de faire du mal[7] et fait concourir toutes choses, y compris ceux-ci, au bien de ceux qui l’aiment[8], c’est, au contraire, l’heure d’assumer, aux places où il nous a mis, ce dont il nous charge. Dans une obéissance toujours recommencée au Christ et au Texte sacré. Avec l’indéfectible espérance que donnent les promesses divines.
La Cité située sur une montagne ne peut être cachée[9]. Elle ne cesse et ne cessera d’apparaître déjà sous des échafaudages préalables successifs jusqu’au jour où elle sera vue et réalisée dans notre histoire et pour la clore.
Le jour vient où la plus petite de toutes les semences s’épanouira en un arbre immense où joueront les oiseaux du ciel ! Le jour vient où le levain mis dans la pâte fera tout fait lever[10].
Amen ! Alléluia !
Pierre Courthial
[1] Philippiens 2:12
[2] Cf. Jean 3:29 ; Apocalypse 21:2
[3] Romains 8:17
[4] 1 Corinthiens 15:20-28
[5] 2 Corinthiens 4:7
[6] Philippiens 3:10
[7] Genèse 50:20
[8] Romains 2:28
[9] Matthieu 5:11-16
[10] Matthieu 13:32-33