Quand je vois du matin les cieux étinceler
Sous les premiers rayons du beau jour qui s’éveille,
Et les pleurs cristallins dont l’aurore vermeille
Viens en ces plus doux mois les herbes emperler ;

Quand j’ois de toutes parts les bois rossignoler, j’entends
Et l’argent des ruisseaux tinter à mon oreille ;
Que je vois mille fleurs de senteur nonpareille,
Tapisser les chemins par où je dois aller.

Bref, quand je vois l’espoir de la vie annuelle
Que la terre nourrit d’une pleine mamelle,
Blés, vins, fruits, et troupeaux prospérer à souhait,

Pour donner aux humains plaisir et nourriture ;
Ne serais-je pas bien d’une ingrate nature,
Si je n’aimais pas celui qui tant de biens nous fait ?

Pierre Poupo (1550-1592)

La Muse chrétienne (1590-1592)

Sonnet LXX, p. 90

Société des Textes Français Modernes, Paris, 1997.