Jean-Marc Berthoud : un érudit chrétien magistral dans notre époque de besoin

Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois à l’automne 1982, lors d’un voyage pour assister à deux conférences savantes en Europe, il ne m’a pas fallu longtemps pour saisir la profondeur et l’ampleur de l’immense connaissance livresque de Jean-Marc Berthoud, et la détermination fervente de son cœur à tout donner à la cause du Christ dans notre société occidentale en déclin. Depuis lors, nous sommes restés en contact, et sa compréhension des questions qui ont façonné notre culture à travers le monde n’a jamais cessé de m’étonner et de m’aider à naviguer dans le monde de l’intelligence haute et basse, de la religion bonne et mauvaise, et de la politique saine et mortifère.

L’étendue de ses lectures et de sa compréhension se compare à celle de ses contemporains, tels Pierre Courthial et Roosas J. Rushdoony, et d’un point de vue différent, Thomas F. Torrance. Tous ces hommes exceptionnellement doués (et pas toujours selon le même point de vue) mettent en contact immédiat des champs de réalité très divers et cherchent à les penser ensemble dans un attachement profond à la Parole de Dieu écrite.

Bien que Jean-Marc ne prétende pas à une haute stature intellectuelle, académique ou ecclésiastique (il ne s’est jamais intéressé à la façon dont il est perçu), je me suis parfois demandé si les siècles à venir ne le considéreront pas comme faisant partie de la catégorie des Pères de l’Église, des réformateurs du XVI^e siècle ou de certains puritains. Bien sûr, je ne peux pas en être sûr : seul le temps nous le dira, et il n’aura pas à s’inquiéter d’une manière ou d’une autre entre-temps.

Cet article d’appréciation est destiné à Jean-Marc, pas à moi, mais je vais quand même devoir faire quelques références personnelles dans l’espoir de mettre en lumière le magistère patristique/médiéval/réformateur et post-Lumières de sa pensée et sa compréhension quasi universelle de toutes les questions qui comptent le plus pour le bien-être de l’humanité et la gloire de Dieu.

D’autre part, le temps et l’espace me manqueraient pour relater, même de manière superficielle, les innombrables fois où je lui ai téléphoné pour lui demander son opinion (toujours informée) sur le gnosticisme (ancien et moderne), Irénée, Lombard et Aquin, Anselme, Bullinger, Viret, Calvin, Lancelot Andrewes, ainsi que sur les controverses qui ont eu lieu dans l’Eglise à travers les siècles, telles que l’iconoclastie, le Filioque, etc.

Une caractéristique de ce penseur profond et impartial est qu’il n’est jamais étroitement confessionnel dans ses évaluations des théologiens et des églises. Par exemple, sa vive appréciation de Thomas d’Aquin (en particulier à la lumière de certains de ses commentaires bibliques) témoigne d’une lecture attentive, d’une compréhension et d’une impartialité qui ne craignent pas de délaisser les opinions largement reçues. Son appréciation n’est pas exempte de critiques dans les domaines où il pense que ce grand penseur était moins que biblique. Mais les points faibles d’Aquin ne l’empêchent pas de louer ses points forts, et d’utiliser ces points forts lui-même !

De même, Jean-Marc n’ignore pas les particularités et les perspectives limitées de certains des bons théologiens réformés, même s’il cherche à se tenir en leur compagnie sous un regard favorable. Il ne se contente jamais de s’appuyer sur les autorités académiques ou ecclésiastiques les plus répandues. Il les respecte, mais les place toutes sous la même autorité transcendante qui contrôle sa propre pensée et sa pratique : les Saintes Écritures, interprétées selon les règles de Tyconius, Augustin, Calvin et Owen.

C’est pour cette raison que j’ai toujours ressenti une certaine confiance quand je lui demandais son avis dans divers domaines où j’ai donné des conférences ou écrit. Ce n’est pas qu’il puisse avoir raison sur toute la ligne (qui le pourrait ?), ni qu’il ne soit jamais sans préjugés ni animosité (qui l’est ?), mais son cœur est profondément désireux de plaire au Christ, car il se met à genoux devant le Seigneur qui parle dans les Écritures, afin d’édifier l’Église et de commencer à restaurer une culture saine.

Il se peut que vous ne voudriez pas continuer à lire assez longtemps pour voir l’échantillon représentatif des sujets et des questions pour lesquels j’ai demandé l’avis de Jean-Marc à propos des positions des penseurs sur ces sujets au cours des deux mille dernières années ! (J’ai tenu un journal quotidien pendant plus de quarante ans, et en y jetant un coup d’œil, je pourrais tout compter ; mais ce n’est certainement pas la peine de le faire en ce moment). Il m’a aidé à écrire les deux volumes de la Théologie systématique, ainsi que Creation and Change (*), et de nombreux articles sur des sujets difficiles (certains plutôt obscurs -, mais toujours, il en savait plus que moi).

Son évaluation approfondie de la politique depuis le Moyen Âge est directement fondée sur sa compréhension de l’Écriture sainte. Il est toujours ce que nous appellerions traditionnellement « un réaliste » : c’est-à-dire qu’il traite de ce qui est là, sans y imposer une trame d’opinions préconçues (basées sur une attention excessive placée sur les « noms » – c’est-à-dire le « nominalisme »). Bien que ni Jean-Marc Berthoud ni Thomas F. Torrance ne soient exactement d’accord avec ma comparaison ici, je pense que l’approche de Jean-Marc, qui consiste à s’ouvrir humblement à ce qui est là, n’est pas sans rappeler ce que Thomas F. Torrance appelle la « méthodologie véritablement scientifique ».

Nous tous, les humains, sommes nécessairement limités, et ne pouvons donc pas voir entièrement au-delà de notre propre point de départ et de notre structure de pensée. Pourtant, Jean-Marc a essayé de le faire, bien que pas toujours avec un succès total – et qui pourrait jeter la première pierre ici ? Il n’est pas un adepte des théories du complot, mais il est prêt à considérer certains de ses aspects comme potentiellement pertinents pour la politique depuis le siècle des Lumières.

Je ne sais pas s’il a raison dans tout cela, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que cela a été très intéressant d’examiner avec lui son point de vue sur les raisons pour lesquelles le monde est tel qu’il est depuis trois siècles. Mais que ce soit vrai ou non, je suis toujours profondément ému, édifié et instruit par la façon dont il ramène tout à l’Évangile, à la loi de Dieu et à l’alliance de la grâce qui traverse la Bible et englobe toute notre vie culturelle et politique jusqu’à aujourd’hui.

Ce retour aux Écritures est ce qui importe vraiment, car par définition, beaucoup de ce qui se cache derrière les événements actuels et historiques nous échappe toujours et n’a pas la même importance que les Écritures. (La discussion de Roosas J. Rushdoony sur les complots à la lumière du Psaume 2 est d’une grande pertinence ici).

Jean-Marc me rappelle le grand théologien réformé de Virginie du XIX^e siècle, Robert L. Dabney, en ce sens que sa sincérité transparente et sa ferveur brûlante de foi peuvent parfois le conduire à parler, non seulement très directement, mais aussi sans le tact nécessaire et sans tenir compte des sentiments de ceux qui argumentent dans l’autre camp. Pour ces deux éminents hommes réformés, dans un sens très réel, leur point fort est quelquefois leur point faible. Une fois encore, qui d’entre nous n’a pas à lutter contre divers éléments de sa propre vie ?

Les multiples volumes écrits par Berthoud continuent de paraître, faisant preuve d’érudition, de lucidité et de sens pratique. Ils rendront toujours plus forte la théologie de cet auteur prolifique dans le champ de ses applications. Je crois que beaucoup de ces volumes et articles sont vraiment magistraux, car ils transmettent de manière lucide et pénétrante les grandes questions théologiques et politiques qui ont façonné notre monde au cours des deux derniers millénaires. Ainsi, je prédis qu’ils finiront par contribuer de manière importante à la guérison de notre culture malade et largement apostate.

Mais cela prendra du temps, car l’une des raisons est, comme me l’a fait remarquer le Dr Rushdoony lorsque je lui ai remis un compte rendu de ma visite à Berthoud à mon retour de mon séjour en Europe aux États-Unis en 1982 : « Jean-Marc a choisi de travailler en dehors du monde académique. »

Une autre raison pour laquelle il faudra du temps pour rendre Jean-Marc sérieusement accessible à la culture chrétienne au sens large est qu’il est – dans le meilleur et le plus vrai sens du terme – « radical ».  C’est-à-dire qu’il prend les problèmes à la racine et les critique en partant du principe que l’Écriture sainte est toujours vraie et toujours pertinente. Cela signifie souvent qu’il faut enfreindre des choses qui sont largement considérées par les chrétiens, à tout moment, comme « politiquement correctes ».

Pourtant, l’histoire montre que les grands penseurs offensent généralement le public pendant de nombreuses années – souvent jusqu’à ce que le paradigme change – puis, longtemps après leur mort, ils font alors partie du courant dominant.

Je crois que l’énorme corpus imprimé de Jean-Marc Berthoud finira par devenir un élément constitutif de la grande tradition occidentale chrétienne. S’il m’est permis d’émettre un jugement en la matière, je dirai que son regard aiguisé sur les causes profondes de tous nos malaises, et son application tout aussi franche du mode de guérison et de restauration évangélique et allianciel de Dieu, l’emporteront – au moment choisi de Dieu – sur la résistance actuelle contre son réalisme qui honore Dieu, et son œuvre sera considérée comme véritablement magistrale, bien que, comme toutes les meilleures œuvres humaines, jamais parfaite. Ce temps vient !

Le poème/hymne de James Russell Lowell exprime bien la certitude de cette venue :

Though the cause of evil prosper,
Yet the truth alone is strong;
Though her portion be the scaffold,
And upon the throne be wrong;
Yet that scaffold sways the future,
And, behind the dim unknown,
Standeth God within the shadow,
Keeping watch above his own.

James Russell Lowell. Once to Every Man a Nation.

Then to side with truth is noble,
When we share her wretched crust,
‘Ere her cause bring fame and profit,
And ‘tis prosperous to be just;
Then it is the brave man chooses,
While the coward stands aside,
Doubting in his abject spirit,
Till his Lord is crucified,
And the multitude make virtue,
Of the faith they had denied.

James Russell Lowell. This Present Crisis.

(N.d.t. : la traduction en français de ces deux poèmes est donnée ci-dessous.)

Même si la cause du mal prospère,
La vérité seule est forte ;
Même si sa part est l’échafaud,
et que le mal soit sur le trône ;
Cet échafaudage balance l’avenir,
Et, derrière le sombre inconnu,
Dieu se tient dans l’ombre,
Veillant sur les siens.

James Russell Lowell. Once to Every Man a Nation.

Alors se mettre du côté de la vérité est noble,
Quand nous partageons sa misérable croûte,
Là sa cause apporte gloire et profit,
Et la justice amène la prospérité;
ainsi, c’est l’homme courageux qui choisit,
Alors que le lâche se tient à l’écart,
Doutant dans son esprit abject,
Jusqu’à ce que son Seigneur soit crucifié,
Et que la multitude transforme en vertu
La foi qu’ils avaient reniée.

James Russell Lowell. This Present Crisis.

* Ce livre a été traduit en français : La doctrine biblique de la création et le dessein intelligent. Éditions La Lumière, 2012.

Rencontre avec un porteur de valises

« HEP ! Porteur ! » Le képi rouge et bleu, qui porte en majuscules jaunes le mot PORTEUR, se retourna.

Le garçon avait les cheveux longs, un regard bleu d’une douceur et d’une tranquillité désarmantes. Était-ce un hippie ? Un sourire éclaira son visage. Il me tendit la main, et je le reconnus.

J’ai rencontré mon porteur pour la première fois, voilà plusieurs années, sur le quai de la gare de Lausanne, ou plutôt c’est lui qui m’a identifié d’après mes photographies et qui m’a abordé le premier.

Il avait lu tous ceux de mes livres qui concernent Jésus-Christ. Il avait des questions à me poser, des éclaircissements à me demander ; il le fit en toute simplicité. Jamais il n’essaya d’avoir avec moi d’autres rendez-vous que nos rencontres fortuites sur le quai de la gare de Lausanne. Je m’aperçois que je ne sais rien de lui, ni son nom, ni où il habite, ni s’il a une vie de famille. Il m’a dit seulement qu’il fait partie d’un groupe d’études théologiques et qu’il est protestant.

Il est évident qu’il est intelligent, qu’il a l’esprit très ouvert et curieux, qu’il a une véritable culture théologique et l’âme passionnée par tout ce qui touche ou exprime la pensée et la vie chrétiennes. Il est très heureux d’être ce qu’il est, porteur de bagages.

Ce qui me frappe le plus chez lui, c’est son naturel, son aisance et sa parfaite discrétion, il n’a rien d’un courtisan, il ne se prévaut auprès de moi d’aucun privilège, il n’a pas la moindre honte de sa condition, il prend un soin exact de mes bagages.

Cependant, tout en les rangeant sur son chariot, il me questionnait, et m’expliquait que, dans son groupe d’études, ils s’étaient aperçus que Thomas d’Aquin, Luther et Calvin avaient eu sensiblement la même notion du pouvoir, ce qui avait donné à ce groupe l’idée d’élaborer un document de cent cinquante pages polycopiées sur ce sujet. Il me demandait la permission de me l’envoyer pour que je l’annote dans les marges : « Vous n’avez sûrement pas le temps de nous écrire une lettre. Vos annotations suffiront. Il faut nous pardonner : nous polycopions parce que nous n’avons pas l’argent pour faire imprimer notre travail. » Cela était dit sans la moindre gêne, sans la moindre acrimonie.

Voilà un garçon qui fait aussi partie de notre époque, aussi bien que les terroristes, les stars de cinéma et les hommes politiques. Il y une actualité qui gesticule et qui hurle : elle nous empêche souvent de voir et d’entendre ceux qui nous coudoient, qui accomplissent modestement et courageusement leur tâche quotidienne. Ce sont des gens qui ne se tâtent pas le pouls à toute heure du jour, qui ne se demandent pas ce qu’on pense d’eux ; ils font ce qu’ils ont à faire. Parfois, et en outre, comme mon porteur de Lausanne, ils consacrent une part de leur temps à des préoccupations plus hautes que le train-train de la vie, et qui débordent infiniment le souci d’acheter, de vendre, d’économiser et de dépenser.

« J’ai été choqué, me dit-il un jour en portant mes bagages, de votre indulgence à l’égard du paganisme. Mais à la réflexion, et je le reconnais, un païen d’avant le Christ et qui cherchait Dieu sans même Le trouver est supérieur a` un chrétien de baptême et de nom, et qui ne le cherche plus. »

Je pensais encore à lui dans le train qui roulait vers Paris. Le soleil se couchait sur la Bourgogne aux couleurs de l’automne et parsemée de clochers. Mon ami, dont j’ignore le nom, porteur en gare de Lausanne, est parmi ces hommes qui me font trouver la vie très belle.

Sélection du Reader’s Digest, mai 1978, pages166 et 167.

Condensé du magazine « VSD » (vendredi-samedi-dimanche), semaine du 10 au 17 novembre 1977.

L’aboutissement Thomiste, l’automne du Moyen-Âge, le renouveau de la Réforme.

La réalité est qu’aujourd’hui — car l’homme moderne, comme l’a rappelé l’éminent théologien réformé, Pierre Marcel (1910-1992) il y a un demi-siècle, n’est pas un scientifique mais un technique, — nous vivons une période de régression et de désarroi, où les repères de la création et de la rédemption sont ensevelis sous les sables de l’opinion, et où les nouveaux habits des empereurs sont des loques. Nous sommes témoins des derniers paroxysmes du mouvement contre la transcendance, mis en marche par le nominalisme et l’humanisme d’Érasme, comme Jean-Marc Berthoud le présente ici.

Post tenebras lux ! Il faut que la lumière brille. L’auteur nous présente cette lutte entre les ténèbres et la clarté, entre le mensonge et la vérité. Il fait oeuvre de sentinelle prophétique qui se demande « Sentinelle, qu’en est-il de la nuit ? Le matin vient, et la nuit aussi. Si vous voulez interroger, interrogez ; convertissez-vous et venez. » (Ésaïe 21 : 11-12).

Apologie pour la Loi de Dieu, Introduction à l’étude des Dix Commandements.

Alors que la Loi de Dieu, révélée tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament, et concernant la vie personnelle, conjugale, familiale, économique, sociale, scientifique, politique, etc. des hommes, est bafouée, ridiculisée, mise au rebut, même par ceux que Dieu appelle cependant à être « sel de la terre », « lumière du monde », « colonne et soutien de la Vérité », Jean-Marc Berthoud nous apporte, dans les pages qui suivent, les raisons chrétiennes, bibliques, de reprendre, d’enseigner pour la mettre en pratique, cette Loi que Dieu a donné pour que les hommes y marchent.
Certes nous ne sommes pas sauvés par la Loi, mais nous ne sommes pas non plus sauvés sans la Loi, hors la Loi. C’est la grâce souveraine de Dieu qui, seule, a le pouvoir de sauver, par le moyen de la foi. Mais la vraie foi, qui unit à Jésus-Christ Sauveur, n’existe qu’accompagnée par l’obéissance – par un vrai commencement d’obéissance – à la Loi de Dieu, cette Loi « sainte, juste et bonne » qui nous donne les directions et les directives pour tous les aspects de notre existence, cette Loi qui, avec son inséparable compagnon : l’Évangile, est aussi et toujours grâce.

L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde Tome 3.

C’est le mérite de Jean-Marc Berthoud que de mettre en évidence le fossé, voire l’abîme séparant ces deux approches pour la pensée européenne postérieure, tout en retraçant leur généalogie respective : Pierre de la Ramée opérant la jonction entre le courant nominaliste d’une part, Descartes, Bacon et Galilée de l’autre. Notre auteur reprend du reste en détail au chapitre X de son ouvrage aussi bien ladite généalogie que la descendance ramiste, en en soulignant les effets mortifères sur la pensée et la théologie chrétiennes : elles allaient sous peu se métamorphoser en un simple déisme d’où l’Incarnation du Fils – et avec elle notre Rédemption – serait purement éliminée. Au véritable Emmanuel (Dieu avec nous) se substituerait bientôt saint Emmanuel, tant révéré par la sécularosphère protestante contemporaine. Entendez, bien sûr : « saint » Emmanuel Kant…

Pourrais-je mieux faire en guise de conclusion à cette modeste préface, que de citer les dernières phrases du Traité sur la Liberté Chrétienne de Martin Luther (1520), lequel remet en perspective avec simplicité et lucidité la condition de la nature et de la raison humaines dans leur rapport à la justice divine ? Elles illustrent parfaitement, à mon sens, tout le propos de Jean-Marc Berthoud dans ce riche et stimulant volume :

D’elles-mêmes, la nature et la raison humaines sont superstitieuses et promptes à penser que toutes les lois et toutes les œuvres qu’on propose permettront de parvenir à la justice. Il faut prier afin que ce soit le Seigneur qui nous entraîne, que ce soit sa Parole qui nous instruise, que nous soyons obéissants à Dieu et que, selon sa promesse, il inscrive lui-même sa loi dans nos cœurs, faute de quoi c’en est fait de nous. S’il n’enseigne pas dans nos cœurs cette sagesse mystérieuse et cachée, notre raison naturelle ne peut que la condamner et la tenir pour un faux enseignement, car elle en est choquée et elle n’y aperçoit que de la folie. Dieu veuille prendre pitié de nous et faire resplendir sa face sur nous, afin que nous connaissions sa voie sur la terre et son salut parmi toutes les nations. Qu’il soit béni aux siècles des siècles. Amen.

L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde Tome 4.

L’Histoire alliancielle est un livre puissant. Ce n’est pas un livre qui décrit les évolutions politiques ou géographiques de l’Église. Ce n’est pas un livre qui décrit les évolutions doctrinales de l’Église. C’est un livre qui explore la façon dont l’Église a su maintenir une vision biblique intégrale sur le monde – le monde culturel, philosophique, littéraire, politique, artistique, scientifique, économique. Il expose de façon magistrale comment le monde a cherché à minimiser la portée de la Loi et de l’Évangile pour nos sociétés, cherchant à faire de l’Évangile une expérience subjective existentialiste, sans portée universelle et normative. C’est un véritable manuel de combat que nous donne ici Jean-Marc Berthoud. C’est une lecture captivante dont on sort renouvelé avec la conviction d’avoir enfin bien posé le problème de l’histoire de l’Église et d’avoir bien diagnostiqué le remède. Je vais le dire comme je le pense : c’est une étude fondamentale. C’est une percée spirituelle. C’est un travail trop spécifique pour être produit dans des cercles académiques. Il croise de nombreuses disciplines : histoire, théologie, philosophie, littérature, capacité à lire aussi bien les meilleures études en français et en anglais, un esprit encyclopédique … Ce n’est pas une faculté ou une université théologique qui fait ce genre d’auteur, c’est Dieu qui suscite un homme pour une percée.

Je prie que Dieu étende sa bénédiction sur son peuple et favorise la lecture de cette œuvre.

Pierre de La Ramée (Petrus Ramus) Précurseur de Descartes contre la Foi Réformée Confessante.

Dans ce livre, l’auteur nous explique très clairement le maillon faible, voire destructif, de l’œuvre de Petrus Ramus et l’influence qu’eût le ramisme sur la théologie réformée et puritaine. Outre le fait que cet ouvrage constitue l’un des premiers livres qui traite de Petrus Ramus et de son influence dans une perspective biblique et réformée, son attrait réside dans le fait qu’il met en évidence deux conceptions de la théologie systématique situées aux antipodes.

[…] Décrire tout à la fois Ramus comme précurseur de Descartes et de la modernité ainsi que la constatation importante des répercussions négatives de cette philosophie sur la théologie réformée, dès sa conception et jusqu’à nos jours, constituent les deux thèses que défend Jean-Marc Berthoud.

Les développements de la pensée de l’auteur doivent nous inciter à réfléchir. Peut-être que certains courants de théologies et de pratiques réformées et puritaines nous semblent attrayants précisément en raison du fait que ceux qui les soutiennent ont puisé chez Ramus l’argumentaire leur permettant de concevoir un christianisme placé sous une telle influence « ramiste » au sein de la modernité et de la postmodernité occidentales. L’être humain est devenu le centre de la création et de la Révélation, expulsant ainsi Dieu de ses prérogatives sur celles-ci, et ce, au sein même de notre théologie. Dans cet ouvrage, l’auteur nous fait prendre conscience de cette réalité, constituant ainsi une correction opportune et nécessaire de notre regard sur certains courants théologiques, dont, en particulier, ceux influencés par Pierre de La Ramée.

L’École et la Famille contre l’utopie.

“L’École et la Famille contre l’Utopie” est un recueil, non un ouvrage conçu d’un jet. On y trouve des études, des exposés, des prises de position politiques ou théologiques, des recherches historiques, des considérations sur les sciences. Ce sont, comme il est dit en sous-titre, les Annales d’une action opiniâtre, constamment et frontalement à contre-courant. Sur certains points, en particulier dans le domaine philosophique, il n’est pas sûr que Jean-Marc Berthoud trouve un soutien sans faille dans sa propre Église ! Certains milieux évangéliques ne sont d’ailleurs pas épargnés par ses piques.

[…] La famille, chrétienne ou non chrétienne, est le reflet d’un ordre divin, à la fois personnel et communautaire. Elle est le lieu privilégié de l’accomplissement de la personne humaine, éminemment par le culte qu’elle rend au Créateur. Le chapitre consacré à ce dernier point est remarquable de nouveauté et d’équilibre.

L’ouvrage fait œuvre de contrepoison en disséquant les idéologies scolaires de l’épanouissement, de la non-directivité, de la neutralité morale de l’école, de la table rase, du puéro-centrisme et en dénonçant leur angélisme athée. Il montre le caractère essentiellement destructeur de l’introduction des mathématiques modernes dans les petites classes, du français renouvelé et de l’histoire sans dates.

Remontant plus haut dans l’histoire, à l’usage de ceux qui penseraient que le mal est récent, Jean-Marc Berthoud clôt cette partie avec une étude fouillée de la vie et de la philosophie de “Jean Amos Comenius (1592-1670) et les sources de l’idéologie pédagogique”.

[…] Comme on le verra dans la dernière annexe, Jean-Marc Berthoud a connu la grâce particulière de ceux qui sont venus à Dieu après l’avoir rejeté dans l’indifférence. Converti, il n’en mesure que mieux l’importance vitale de la foi. Cela donne à tout ce qu’il dit et écrit une passion qui effarouche beaucoup de chrétiens de ce pays, même s’ils ne sont pas forcément en désaccord sur le fond. Nous avons chez nous une tendance presque incoercible à transformer la foi en Christ en une adhésion tout à la fois ratiocinante et sentimentale à des conseils de morale. Pour Jean-Marc Berthoud, la foi est une relation foudroyante avec le Maître de toutes choses, un cheminement à travers les ombres et la lumière d’un sentier bordé d’abîmes.

Introduction à l’Alliance de Dieu.

L’étendue du sujet de l’Alliance, puisqu’il englobe tout le plan créateur, providentiel et rédempteur de Dieu, ne peut certes être épuisé en un seul ouvrage. Ce serait là un sujet de réflexion pour toute une vie ! Alors, servez-vous de ce livre comme d’un « éclaireur » qui vous conduira sur une piste de réflexion qu’il vous faudra approfondir personnellement par la suite. Car de nombreux sujets abordés dans ce livre méritent d’être encore développés et précisés. Par exemple :

— L’infidélité constante du peuple d’Israël à l’Alliance dans l’Ancien Testament n’accomplit-elle pas aussi le but divin qui consiste à démontrer l’incapacité humaine à respecter les conditions de cette Alliance et le besoin absolu d’un représentant divin qui vienne dans notre humanité comme substitut pour satisfaire entièrement aux conditions de l’Alliance à notre place ?

— Comment le chrétien doit-il comprendre son rapport avec les malédictions de l’Alliance à la lumière de Galates 3 : 13 : « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous – car il est écrit : Maudit soit quiconque est pendu au bois – … ». N’y a-t-il pas là une progression fulgurante par rapport au peuple de l’ancienne Alliance ? …

Notre reconnaissance va à Jean-Marc Berthoud qui, par sa réflexion, a le mérite d’avoir ouvert et déblayé une partie du chemin devant nous afin que nous soyons de plus en plus émerveillés par la grandeur et la fidélité du Dieu de l’Alliance qui ne s’est pas contenté d’établir une Alliance de façon souveraine, mais qui, en Jésus-Christ notre Chef, en a réalisé toutes les exigences. 

Union à Jésus-Christ et Fausse Mystique.

Cet ouvrage, intitulé Mysticisme d’hier et d’aujourd’hui, (titre de l’édition originale) porte un titre tout à fait approprié, puisqu’il s’agit d’une étude sur le mysticisme tel qu’il s’est manifesté depuis le début du siècle, particulièrement au sein de cette aile de l’Église qui se prénomme évangélique. Il se pourrait qu’un des plus importants et des plus sérieux combats auquel la nouvelle génération de l’Église Évangélique aura à faire face soit celui contre le mysticisme. Ce dernier s’est déjà largement répandu, et son emprise ne fait que grandir. Malheureusement, nous sommes rarement conscients de nos erreurs. Si nous l’étions, nous nous en débarrasserions au plus vite. Dieu doit nous éclairer, par le secours de Son Esprit, par Sa Parole et par Ses moyens de grâce, afin de nous ouvrir les yeux. C’est actuellement, sans aucun doute, un besoin urgent chez un grand nombre d’évangéliques. En effet, ceux-ci ne se rendent pas compte que leur vision de la foi chrétienne et de la vie qui l’accompagne, ne correspond plus, dans une large mesure, à l’enseignement biblique. Tout baigne dans un relativisme et un mysticisme flagrant.

[…] Pourquoi les évangéliques ne remettent-ils pas en question leur théologie ? Pourraient-ils même imaginer qu’elle puisse être une des causes possibles du manque de réveil spirituel? Cette étrange incapacité de remettre en question sa théologie ne proviendrait-elle pas du fait qu’une grande partie de la chrétienté évangélique est devenue tellement mystique qu’elle ne se sent plus guère concernée par la Parole écrite de Dieu. Les chrétiens sont-ils devenus tellement centrés sur eux-mêmes et leurs expériences que la doctrine et la théologie ne sont plus que des questions secondaires ? Beaucoup les considèrent comme nuisibles à la vie de l’âme. Ainsi, chercher à connaître la vérité de façon plus précise serait une cause de léthargie spirituelle. Une Église qui ne croit plus que sa fidélité au credo théologique et doctrinal est très importante aux yeux de Dieu et qui la remplace par ses expériences, une telle Église a dérapé dans le mysticisme. En s’éloignant du principe premier qu’il faut croire en une doctrine biblique correcte, c’est-à-dire, conforme à l’enseignement des apôtres, et veiller à la garder, les évangéliques se sont détournés de la vérité. La doctrine n’est rien d’autre, en effet, que l’enseignement de Dieu. Devrions-nous donc être surpris de ce que notre Seigneur éloigne le réveil ? N’oublions pas que c’est Jésus qui a dit au Père : Sanctifie-les par ta Vérité. Ta Parole est la vérité.

Ézéchiel Sentinelle de Dieu.

Cette prédication est une prédication difficile, sur un sujet cependant capital, dont il faut parler. Ce sujet, c’est celui de la colère de Dieu contre les nations qui le rejettent, y compris notre pays. Quand une nation passe par des temps pénibles, elle devrait se laisser avertir par Dieu. Mon but n’est pas de nous accabler ou de nous décourager, mais de nous aider à prendre du recul sur les circonstances que nous traversons, de nous aider aussi à y réagir en chrétiens.

Nous avons tendance à oublier que Dieu agit dans ce monde. Certes, nous savons, en théorie, qu’il agit parce que nous le lisons dans les récits bibliques. Nous savons qu’il agit parce que nous voyons comment il aménage les circonstances de nos vies personnelles. Mais nous oublions parfois que Dieu agit aussi de manière très directe, en conduisant les grands événements du monde, y compris des événements malheureux comme celui de la crise du coronavirus. Dieu n’est pas éloigné de ce monde. Sa souveraineté et sa providence ne signifient pas une sorte de supervision lointaine, comme un vigile qui surveille sur ses écrans que rien d’anormal ne survienne. Non, Dieu agit constamment et partout. Il est à l’œuvre dans ce monde et il nous parle aussi par les événements. Et je crois qu’il veut en particulier parler à notre pays et parler à son Église dans notre pays. Il veut donc nous parler à nous aussi, nous faire réfléchir ! Mais aussi nous avertir et nous encourager, parce que comprendre que Dieu règne en juste juge est profondément rassurant.

1. Dieu avertit et juge les nations orgueilleuses [—]
2. Dieu appelle à la repentance [—]
3. Dieu éprouve son Église

Je dois vous dire que j’aurais bien apprécié que les chrétiens soient tous épargnés par la crise : aucun chrétien malade du Covid ou mort avec le Covid, aucun chrétien confiné, aucune Église fermée. Mais nous sommes citoyens de ce pays. Et de la même manière que des croyants ont aussi été envoyés en exil à Babylone, de même le fait d’être croyant ne nous dispense pas des malheurs.

En fait, le peuple de Dieu, l’Église, est aussi jugé par Dieu, pas au sens d’être puni, mais au sens d’être purifié. Dieu n’est pas en colère contre les chrétiens, puisque la colère que nous méritons est tombée sur Jésus-Christ. Mais Dieu veut perfectionner et sanctifier son Église. Et pour cela, il emploie des épreuves, y compris cette épreuve que nous traversons. Jacques nous le rappelle : l’épreuve produit la patience, et la patience produit la maturité (Jacques 1 : 2-4).

J’aimerais que nous nous posions plusieurs questions. La première : étions-nous prêts ? L’épreuve que nous traversons nous a tous pris au dépourvu, alors que nous vivions dans un pays et dans des circonstances qui nous étaient plutôt favorables. Même si nous avions tous – et avons encore tous – un certain nombre d’épreuves personnelles, familiales, professionnelles, etc., le contexte dans lequel nous vivions était enviable. Maintenant, nos certitudes sont ébranlées. Sommes-nous prêts à continuer la course en tant que chrétiens ? Notre Église est-elle prête à persévérer quoiqu’il arrive en 2021 et dans les prochaines années ?

Et qu’en est-il de notre attachement à la doctrine de la gloire de Dieu ? Finalement, si nous croyons vraiment à « Soli Deo Gloria », n’y a-t-il pas un côté réjouissant à ce que Dieu manifeste sa gloire et sa justice par les moyens qu’il juge bons, même si ces moyens nous sont désagréables ? Cela n’enlève évidemment rien à notre tristesse et à nos souffrances qui sont légitimes, mais si nous sommes convaincus que la manifestation de la gloire de Dieu doit l’emporter sur tout le reste, nous devrions éprouver de la joie à ce que Dieu manifeste sa gloire en ne laissant pas notre orgueil impuni.

Je suis conscient, hélas, que les réponses à ces questions sont humiliantes pour nous, en tout cas pour moi. Étais-je prêt ? Suis-je prêt ? Non, je n’étais pas prêt. Quel est l’état de ma foi ? Bien faible. Est-ce que je crois avec joie à la souveraineté de Dieu et à sa gloire dans ces circonstances ? Pas tant que ça … Je crains que nous, chrétiens occidentaux, Suisses y compris, ayons été un peu pris au dépourvu au milieu d’une certaine routine et même d’une forme d’apathie. Je crains que nous ne soyons pas forcément préparés à envisager un prolongement de cette épreuve ou de nouvelles épreuves.

John Nelson Darby, L’Essor d’un hérétique total.

L’essor du dispensationalisme et l’influence de son fondateur John Nelson Darby, pourraient nous étonner. Partout en Europe sans doute et surtout en Amérique du Nord, la culture darbyste a été et reste manifeste encore aujourd’hui. Comment se fait-il que ses doctrines étranges aient attiré tant de personnes, à savoir, son séparatisme, son refus de voir en l’Église un nouvel Israël, sa doctrine de l’enlèvement secret, son opposition à toute liturgie et à un quelconque ministère officiel ? Bien que les chiffres soient difficiles à connaître, on compte aujourd’hui au moins 45’000 membres de « Taylorites » (disciples de James Taylor, Sr. 1905-1953, les plus fermés). Mais le nombre des « Frères larges » (« Ouverts ») est nettement supérieur. On observe aussi que les Frères ne sont pas tous aussi renfermés. Parmi eux, on compte des personnalités notables : Peter Caws, F. F. Bruce, C. Stacy Woods, Garrison Keillor, William John Hocking, et bien d’autres.

La lecture dispensationaliste de la Bible, qui divise l’Écriture sainte en sept « administrations » est très répandue. Un grand nombre d’écoles bibliques, de Missions et d’Églises la pratique. Au début du vingtième siècle, période où le « fondamentalisme » a eu le plus d’influence, la version de la Bible (King James Version), éditée par Cyrus I. Scofield a été publiée à des milliers d’exemplaires et traduite en huit langues. Ses notes en bas de page sont influencées par la méthode dispensationaliste. Une de ses particularités est la lecture « littéraliste quand c’est possible », des textes. L’exemple le plus connu est le passage d’Apocalypse 20 qui affirme que le Christ reviendra une première fois, suivi de l’emprisonnement du diable pendant mille ans, au terme desquels il sera libéré ; puis suivra la deuxième des venues du Christ

[…]

Les Églises issues de la Réforme comme aussi l’Église Catholique romaine classique sont souvent menacées par l’hérésie (il faut bien le reconnaître). On trouve aussi, dans la plupart des mouvements sectaires, les mêmes ingrédients : frustration vis-à-vis de l’institution établie ; leader charismatique (petit « c ») ; calendrier divergeant ; sens de la mission ; herméneutique particulière, etc. Dans ces mouvements sectaires, se profile une société, une communauté qui rend leurs doctrines plausibles, alors que celles-ci seraient normalement perçues, au minimum, comme déraisonnables. L’Évangile de Jésus-Christ contient, certes, des éléments mystérieux, mais, au fond, il est d’une simplicité remarquable.

L’apôtre Paul le dit si bien :

Mais l’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, pour s’attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons, par l’hypocrisie de faux docteurs portant la marque de la flétrissure dans leur propre conscience…

(I Timothée 4 : 1)

Soyons avertis, mais restons confiants, car, nous dit Jésus :

Je bâtirai mon Église, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle.

(Matthieu 16 : 18)

L’Église au pied du mur. Le diagnostic toujours actuel du Prophète Ésaïe.

Force est de constater que l’environnement culturel dans lequel nous baignons ne nous offre qu’une perspective essentiellement horizontale du monde et de la condition humaine. Comme le dit d’ailleurs fort bien Jean-François Mattéi, « ce qui distingue l’homme moderne des hommes qui l’ont précédé, c’est qu’il se dérobe à la transcendance, ou bien la cache au fond obscure de l’immanence, dans la droite ligne d’un sujet qui ne fait appel qu’à lui-même pour exister »

[…] Dans l’ensemble de ses prédications, dont la richesse de contenu et l’étendue de la perspective dépassent largement ce genre littéraire, Jean-Marc Berthoud cherche à relever ce défi avec courage et lucidité, tout en soulignant l’actualité de la Parole du Seigneur incarnée par le discours et la vie d’Ésaïe. Pour ce faire, il montre comment les oracles du prophète se situent dans le contexte des alliances créationnelle et rédemptionnelle initiées par le Seigneur de l’univers. Ce cadre posé, l’auteur, en se livrant à une exposition systématique des textes étudiés, nous fait découvrir la manière dont la parole-loi de Dieu éclaire non seulement la vie de la cité du VIIIe Siècle avant J.-C. aux prises avec les grandes puissances de son époque, mais aussi notre monde contemporain qui a choisi de rompre avec l’héritage judéo-chrétien. Plus on approfondit les écrits bibliques, plus ils se révèlent d’une bouleversante actualité et habités par une espérance qui ne trompe pas, puisqu’enracinée en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, la clef de toute l’histoire de la révélation et de l’histoire grandiose de la rédemption divine. En effet, c’est à l’ensemble de la vie de la cité que le porte-parole de Dieu s’adresse, la vie personnelle, ecclésiale, culturelle et religieuse, politique et cosmique.

Le théologien de Lausanne insiste avec force sur la sainteté de Dieu, sa justice qui entraîne le jugement de ceux qui se sont révoltés contre leur ultime Vis-à-vis, et sa bienveillante loyauté qu’il adresse dans sa grâce à tous ceux qui le cherchent, se repentent et se confient en lui. Son discours est par moment rude et sévère, surtout lorsqu’il pose un regard sur la situation dramatique de notre monde contemporain, et comparable à des coups de massue qui peuvent même choquer ! La finalité d’un tel discours n’est pas d’écraser, mais d’obliger à voir la réalité à la lumière du regard divin et d’inciter à une réflexion qui suscite une prise de conscience à salut et une fidélité renouvelée. Sa démarche est comparable à celle de Calvin qui affirme explicitement que « …c’est de cette manière qu’il nous faut réveiller les hypocrites ; plus ils se flattent eux-mêmes et moins ils règlent leurs voies sur la crainte de Dieu, plus nous devrions jeter contre eux les foudres de la Parole. Car, sur de telles personnes une manière plus modérée de s’exprimer ne produirait aucun effet et une exhortation normale ne les toucherait même pas »

D’autres aspects de ces études stimulent et enrichissent la réflexion en ouvrant de nouvelles perspectives. Je pense en particulier à la manière dont l’auteur remet systématiquement les textes qu’il étudie dans leur contexte historique. Par ailleurs, il n’hésite pas à faire référence à l’histoire occidentale, y compris contemporaine, pour étayer un argument ou montrer la pertinence de la parole divine. Sa connaissance de la littérature, ses repérages philosophiques et scientifiques ainsi que ses références aux textes chrétiens depuis les Pères de l’Église jusqu’aux auteurs contemporains sont autant d’atouts dans son discours. On peut cependant s’étonner que l’influence de la perspective chrétienne sur l’avènement de la science moderne ne soit pas davantage mise en évidence.

Le champ unifié de la connaissance, une des colonnes de l’orthodoxie chrétienne, permet de mettre en évidence le langage imagé, symbolique et analogique du prophète Ésaïe. C’est ainsi que la soif physique évoque la soif de l’âme, la soif spirituelle dans le chapitre 55. C’est un élément capital du discours prophétique ! Mais faut-il opposer les langages analogique et abstrait, scientifique ou technique qui opèrent sur un autre registre ? Ce à quoi il faut résister c’est l’idolâtrie que ce dernier peut véhiculer. L’auteur le fait d’ailleurs très bien !

Du pouvoir dans la vie chrétienne.

Si vous n’avez pas peur d’être confrontés dans vos positions et opinions touchant à l’exercice du pouvoir et à votre rapport avec les autorités civiles et ecclésiales, ce livre est pour vous. Sur le ton du prophète, l’auteur, qui s’adresse à une Église errante, utilise un langage direct et ne ménage pas son lecteur. Les thèses qu’il avance, mais aussi plusieurs exemples qu’il utilise peuvent déranger le citoyen du XXIe siècle, mais c’est bien l’objectif : Comment toucher les consciences dans un contexte édulcoré et consensuel ? Son exposé théocentrique est fondé sur les textes bibliques dont il utilise le langage, par moment on croirait lire un Réformateur. Il démonte morceau par morceau les erreurs qu’il discerne – et elles sont légion – et y apporte un éclairage argumenté. Certains passages ayant été écrits dans les années 1970, on mesure d’autant plus leur pertinence prophétique un demi-siècle plus tard. En historien, il sait prendre le recul nécessaire par rapport aux modèles politiques et éthiques adoptés particulièrement depuis l’ère moderne. En théologien, il trace avec vigueur la trame du combat spirituel qui se joue dans notre monde, montrant l’impact d’une Église ignorant ses responsabilités face aux enjeux actuels.

Une vie d’étude et de lutte apologétique pour la vérité […]

[…] En 2007, on demanda à Jean-Marc d’enseigner la théologie biblique et l’histoire de l’Église au Collège biblique de Lausanne, nouvellement fondé par plusieurs petites Églises Réformées Baptistes. Ces deux cours servirent de base à un profond travail d’érudition, L’Alliance de Dieu à travers l’Écriture sainte et sa grande œuvre en cinq volumes, L’Histoire alliancielle de l’Église dans le Monde. Dans ces deux productions majeures, il livre une analyse détaillée des moments clés et des batailles théologiques et philosophiques décisives échelonnées tout au long de l’histoire de l’Église. Depuis l’hérésie arienne, en passant par la controverse entre Réalistes et Nominalistes, puis par les fausses lumières de Petrus Ramus [La Ramée] et de Jan Comenius, jusqu’à la théologie moderne non doctrinale du pape François – à travers tout cela, il montre que la modernité est le point culminant des hérésies passées. Et pour résister aux hérésies passées comme aux hérésies actuelles, nous ferions bien d’être à l’écoute du témoignage cumulatif des fidèles serviteurs de Dieu, tels que saint Athanase, Jean Calvin, Friedrich Julius Stahl, Pierre Courthial ou Rousas J. Rushdoony, pour n’en nommer que quelques-uns. À cette liste, je proposerai le nom de Jean-Marc Berthoud comme un complément bienvenu.